Impact du dérèglement climatique sur les guerres Mayas

Cet article est un résumé simplifié issu de l’article paru dans PLOS ONE le 30 juillet 2021, intitulé : « Rainfall, temperature, and Classic Maya conflict: A comparison of hypotheses using Bayesian time-series analysis« . Il a été rédigé par Mark Collard, Christopher Carleton, David A. Campbell .

Peinture murale de Bonampak

L’article présenté ici aborde l’impact du changement climatique sur les conflits de la civilisation maya entre 250 et 900 apr. J.-C. En effet, durant la période classique qui va de 250 à 900 apr. J.-C. nous avons pu observer une augmentation des conflits au sein de la civilisation Maya. Bien qu’il puisse exister des tensions entre les différents centres en raison de guerre de pouvoir ou d’influence, les chercheurs mayanistes se sont posé la question de l’impact de dérèglement climatique sur le comportement belliqueux maya. 

Le changement climatique étant un sujet très important actuellement, il est intéressant d’étudier le passé pour en comprendre les impacts futurs.

 Plusieurs études récentes ont cherché à comprendre l’impact du changement climatique. Pour ce faire, les archéologues étudient le nombre d’enregistrements épigraphique au sujet de la guerre et la présence isotopique de l’oxygène ( δ 18 O)  dans une grotte (Yok Balum) au Belize (KENNETT, 2012 : 788), cela permet de connaitre la variation des précipitations dans le passé.

Les deux études ci-dessous ont eu des résultats différents :

  • L’étude de Kennett a trouvé une corrélation entre la baisse des précipitations et l’augmentation des conflits (KENNETT, 2012 : 788). Les Mayas de la période classique dépendant fortement de l’eau de pluie pour l’agriculture et leurs consommations, on peut supposer que les variations de précipitations, y compris les sécheresses, auraient eu un impact sur les rendements des cultures et que la variation des rendements des cultures aurait affecté divers aspects économiques, sociétaux, ainsi que les relations politiques, se terminant par des guerres pour le possible contrôle des ressources.
  • Cependant, une autre étude réalisée par Carleton arrive à une conclusion différente (CARLETON, 2017 : 209). En étudiant les mêmes données, mais en ajoutant une étude de la reconstitution de la température dans le temps , leurs analyses ont indiqué que le conflit était influencé par les températures estivales. En comparant avec l’agriculture actuelle, ils indiquent que l’augmentation de la température entraîne une baisse du rendement du maïs et que ces baisses ont pu créer des crises politiques. En raison de l’association symbolique entre la légitimité du pouvoir et la production de maïs. Les dirigeants étaient chargés d’assurer le succès des récoltes, par conséquent, les mauvaises récoltes auraient été perçues comme des échecs rituels et politiques, sapant de ce fait le droit de gouverner des élites. Confrontés à un problème de légitimité, les dirigeants mayas classiques auraient parfois cherché à regagner cette légitimité perdue en faisant la guerre à d’autres dirigeants.

L’article traduit propose quand à lui de tester les deux hypothèses. Il faut tout d’abord tenir compte du phénomène de la violence dite rétributive, c’est la tendance des personnes à répondre à la violence par davantage de violence, ou à l’inverse de se retenir d’acte violent lorsque les autres sont pacifiques. Plusieurs archéologues soupçonnent qu’une grande partie des conflits maya peuvent être attribués à des cycles de violence punitive (CHASE, 2003 : 171).

L’article étudie 4 variables au travers d’une méthode statistique bayésienne :

– Nombre de conflits par an (prenant en compte la violence rétributive)

– Le nombre de monuments érigés chaque année possédant des inscriptions parlant des conflits

– L’enregistrement de l’isotope d’oxygène de la grotte de Yok Balum

– La reconstitution de la température de la surface de la mer en étude et étudiant le rapport magnésium calcium dérivé de coquilles contenu dans une carotte sédimentaire (WURTZEL, 2013 : 5954). 

LES RÉSULTATS DE l’ÉTUDE

Les analyses rapportées par l’article suggèrent que l’augmentation des conflits entre les Mayas classiques a été influencée par la croissance de la température de la saison plutôt que par la variation annuelle des précipitations. Cet article confirme que les températures estivales plus élevées ont exacerbé les conflits, étant ainsi conformes à l’hypothèse développée par Carleton, l’impact de la température sur les conflits entre les politiques mayas classiques au cours du premier millénaire de notre ère était motivé par la productivité de la culture de base des Mayas classiques, le maïs.

On observe que la température à un impact sur le rendement du maïs, selon l’étude de Carleton, les rendements augmentent à mesure que la température augmente, mais seulement jusqu’a 30°C, passé ce pic le rendement du maïs diminue de 1% par jour de forte chaleur. D’autres études expérimentales soutiennent l’idée que 30°C est la température optimale concernant le développement du maïs, mais que des températures plus élevées ont un effet néfaste sur la productivité (LOBELL, 2011 : 42). 

Toujours selon Carleton, le déficit de maïs a exacerbé les conflits régionaux et précipité la crise de légitimité de l’élite maya. Les dirigeants devaient maintenir leur légitimité aux yeux de la population, de l’élite et des alliances politiques et économiques (RICE, 2009 : 70), sans leurs soutiens, le dirigeant ne pouvait plus régner. En réponse, ils cherchent à rétablir leurs légitimités au travers de guerre. 

Il est évident que la hausse de température n’est pas l’unique explication aux développements des conflits. Les conflits sont probablement survenus pour diverses raisons politiques et économiques qui n’avaient pas de rapport direct avec les réductions de rendement du maïs. Par exemple, il est plausible que l’augmentation de la densité de population ait pu conduire à davantage de conflits (TURCHIN, 2006 : 112), ou encore de nouvelles alliances ont conduit à de nouvelles guerres. Cependant, la crise de légitimité provoquée par la hausse de température proposée par Carleton est confirmée par cette étude et doit être considérée comme un contributeur important de l’augmentation des conflits mayas.

L’aspect des précipitations est aussi à prendre en compte, les Mayas étaient fortement dépendants de l’eau pour leur consommation et l’agriculture (LUCERO, 2002 : 814). Si son impact n’a pas été prouvé, l’article émet plusieurs explications à cela. Tout d’abord, il est possible que les données obtenues dans la grotte aient pu être affectées par des épisodes météorologiques importants comme les tempêtes et les ouragans qui ont masqué les importantes variations saisonnières de précipitation. De plus, ces possibles tempêtes auraient elles aussi affecté le rendement des cultures. La deuxième raison est que la hausse des températures a pu entraîner une diminution de l’humidité, qui a pour conséquence une augmentation de l’évaporation du sol qui se termine potentiellement par une sécheresse agricole.

CONCLUSION

Si le dérèglement climatique n’est pas la raison de l’ensemble des guerres dans le monde maya, elle en est cependant une des causes probables dans un certain nombre de cas. Il convient d’étudier d’autres approches comme l’étude des températures passées et de leur impact sur l’agriculture maya, le rendement du maïs, le recensement des données épigraphiques des conflits et de leur chronologie, ou encore d’examiner l’impact des évènements climatiques extrêmes sur les conflits mayas.

Il est intéressant d’en étudier les conséquences passées pour comprendre et agir sur les risques futurs.

Clément Goullin – L’Agence Archéologique


BIBLIOGRAPHIE

CARLETON Christopher, David Campbell, Mark Collard

2017 Increasing temperature exacerbated Classic Maya conflict over the long term. Quaternary Science Reviews. p. 209–218.


CHASE, Diane

2003 Empowered Children in Classic Maya SacrificiTexts and Contexts in Maya Warfare: A Brief Consideration of Epigraphy and Archaeology at Caracol, Belize. In: Brown MK, Stanton TW, editors. Ancient Mesoamerican Warfare. p. 171–188.


COLLARD, Mark, Christopher Carleton, David Campbell

2021 Rainfall, temperature, and Classic Maya conflict: A comparison of hypotheses using Bayesian time-series analysis. PLoS ONE 16


KENNETT Douglas, Sebastian Breitenbach, Gerald Haug and all

2012 Development and disintegration of maya political systems in response to climate change. Science. p. 788–791


LOBELL David, Marianne Bänziger, and all

2011 Nonlinear heat effects on African maize as evidenced by historical yield trials. Nature Climate Change. p. 42-45


LUCERO Lisa,

2002 The Collapse of the Classic Maya: A Case for the Role of Water Control. American Anthropologist. p. 814–826.


RICE Prudence,

2009  On Classic Maya political economies. Journal of Anthropological Archaeology. p. 70-84.


TURCHIN Peter, Korotayev Andrey

2006  Population Dynamics and Internal Warfare: A Reconsideration. Social Evolution & History. p. 112-147.


WURTZEL Jennifer, David Black, Robert Thunell and all

2013 Mechanisms of southern Caribbean SST variability over the last two millennia. Geophysical Research Letters.

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